"Dans cette perspective des quarante ans de Dhagpo, la pratique de Tchenrézi prend une saveur particulière…"

Initialement prévue pour durer trois semaines mais réduite en raison de la venue de Karmapa à la fin du mois, une grande accumulation du mantra de la compassion – autrement appelée « vaste accumulation de gratitude » – a commencé le 11 juillet et se terminera le 22 juillet. Gratuite et ouverte à tous, elle prend place quotidiennement de 10 h à 12 h et de 14 h 30 à 16 h 30. Des moines et nonnes venus spécialement de Dhagpo Kundreul Ling guident la pratique à tour de rôle.

"Des moines et nonnes venus spécialement de Dhagpo Kundreul Ling guident la pratique à tour de rôle."

Chaque matin et chaque après-midi, pendant plus d’une heure, les murmures des ‘om mani pémé houng‘ et le cliquetis des malas emplissent discrètement le temple qui, d’ancienne étable en ruine il y a quarante ans, est devenu un magnifique lieu de pratique grâce à l’implication de nombreuses personnes au fil des années. Car dans cette perspective des quarante ans de Dhagpo, la pratique de Tchenrézi prend une saveur particulière… Il est en effet aisé d’être pris dans le tourbillon de la vie quotidienne et d’oublier quelque peu toutes les conditions qu’il a fallu réunir pour que ce centre et tous ceux qui lui sont reliés existent et pour que les enseignements du Bouddha soient préservés jusqu’à aujourd’hui et transmis. Pour chacun, la pratique devient donc une occasion de se remémorer ce que Dhagpo et la rencontre avec le Dharma ont apporté à sa vie. De se rappeler toutes les personnes – les maîtres, les bénévoles, les mécènes – qui ont permis que tout cela existe et se perpétue. Et de se souvenir, également, que tout a commencé avec une rencontre – celle de Bernard Benson avec le XVIe Karmapa – et un don – les terres sur lesquelles le centre a émergé. Eh oui! Dhagpo, c’est avant tout une histoire de générosité.

Le corps de ferme en 1975

Dans ce contexte de souvenir et de reconnaissance, la Prière à la lignée ainsi que les prières de longue vie ou de prompt retour prennent tout leur sens ; elles permettent à tous de se relier aux maîtres qui ont permis la transmission des enseignements depuis des siècles. On dit que la récitation du mantra de Tchenrézi vient toucher les qualités d’amour et de compassion qui se trouvent en chaque être ; or, aurions-nous eu connaissance de tout cela sans l’activité inlassable des maîtres qui, depuis quarante ans, enseignent sur l’esprit et son fonctionnement ?

Lors de ces sessions, les participants se succèdent mais ne se ressemblent pas toujours. Pour certains, c’est une opportunité d’achever l’accumulation individuelle d’un million de mani requise par le Karmapa il y a trois ans. Une pratiquante confie que c’est sous la forme d’une retraite bienvenue qu’elle envisage les différentes sessions quotidiennes. Il arrive que quelqu’un se lève au cours du rituel pour poursuivre son accumulation autour du stoupa pendant quelques minutes. Quelques-uns sont fidèles au rendez-vous tandis que d’autres arrivent ou repartent en cours de route, selon le temps dont ils disposent. Mais ce n’est pas grave car il n’est pas question d’accomplir un « marathon spirituel » ; l’idée serait plutôt qu’un grand nombre de personnes puissent se relier à cette dynamique, même un court instant, même à distance.

"L’idée serait plutôt qu’un grand nombre de personnes puissent se relier à cette dynamique, même un court instant, même à distance."

Et justement, à moins de deux semaines de la venue très attendue de Karmapa, l’effervescence due aux préparatifs empêche certains bénévoles de se joindre à la pratique autant qu’ils le souhaiteraient. Malgré tout, leur motivation d’accueillir Karmapa et tous ceux qui viendront l’écouter dans les meilleures conditions possibles leur offre une autre façon de se connecter à cette dynamique de gratitude et, surtout, de générosité.
Par moments, des visiteurs qui découvrent le lieu avec curiosité passent silencieusement la tête par la porte du temple, probablement intimidés par le recueillement qui y règne. Sans doute s’interrogent-ils sur le sens de la scène dont ils sont les témoins. Vous vous demanderez peut-être quel est le lien entre cette accumulation et l’idée de gratitude… Mais finalement, quelle meilleure façon de remercier les maîtres que de pratiquer ce qu’ils enseignent ?

"Quelle meilleure façon de remercier les maîtres que de pratiquer ce qu’ils enseignent ?"Photographies : © DKL Média – Loïc