Rencontrer un bodhisattva est une pratique

On peut résumer l’enseignement du Bouddha de bien des façons. Pratiquer le dharma consiste à changer nos habitudes et à dissiper les obscurcissements de l’esprit, autrement dit à transformer notre mode de connaissance pour laisser la place à la sagesse. Si l’on s’inspire de Gampopa, le chemin se présente en quatre étapes :

– Il nous faut d’abord comprendre l’enseignement et commencer à l’intégrer.
– Ensuite il s’agit de le mettre en œuvre sans se laisser distraire par les multiples perturbations que nous pouvons rencontrer.
– Ce processus clarifie notre esprit et dissipe l’ignorance.
– Progressivement, notre perception se transforme pour nous relier à la sagesse de l’esprit.
C’est bien sûr dans ce cadre que nous allons rencontrer le Karmapa. Une telle rencontre est une pratique à part entière

Un état d’esprit à cultiver

Concrètement, comment suivre les enseignements du Karmapa, prendre les vœux de bodhisattvas, recevoir l’initiation de Tchenrézi et pratiquer avec lui ? En préalable, il nous faut cultiver un état d’esprit qui fait de nous le réceptacle juste pour recevoir ces transmissions.
Cultivons d’abord la conscience de la dimension précieuse de l’événement. Rencontrer le Karmapa, un bodhisattva d’un tel accomplissement, suppose de rassembler beaucoup de conditions si on adhère à l’idée de causalité (le karma). Sa présence n’est motivée que par la souffrance des êtres et le souhait d’en dissiper les causes. Il est l’incarnation même de la compassion et du discernement. Faire du lien avec lui suppose de se mettre au diapason et, conscient de la souffrance et de ses causes, souhaiter que les êtres puissent en être libérés. Nous nous rendons alors compte combien nous sommes limités pour le faire, nous n’en sommes pas encore capables. C’est là que le chemin commence vraiment. C’est en transformant la vision de nous-mêmes et des autres que l’on peut dissiper la méprise qui obstrue notre esprit. Recevoir instructions et transmissions de Thayé Dorjé participe de cette transformation.

Être présent à l’essentiel

Sur la base de cet état d’esprit, ne nous laissons pas avoir par la distraction durant l’événement. La distraction prend deux formes dans ce cas : les jugements et les attentes. Sur quoi portent-ils ? Rarement sur de hautes considérations philosophiques ! C’est la place que nous n’avons pas pu avoir dans le chapiteau, c’est ce bénévole qui nous a répondu sèchement, c’est l’organisation qui n’est pas à la hauteur, etc. La liste peut être longue. Attentes, jugements et émotions s’élèvent de toute façon, ce n’est pas ça le problème. Ici, il s’agit d’être conscient de soi-même afin de ne pas succomber à tous ces états d’esprit parasites. Notre pratique consiste à cultiver la présence à l’essentiel : être disponible pour recevoir ce que le Karmapa a à nous donner.

Recevoir la bénédiction

Quelle que soit la transmission, selon la formule consacrée, « nous recevons la bénédiction ». Elle ne prend pas la forme de miracles ou de manifestations extraordinaires. La bénédiction est l’expression spontanée de l’activité du Karmapa, elle touche chacun ouvert pour la recevoir. Que nous soyons seuls ou deux mille face à un bodhisattva n’y change rien. C’est notre état d’esprit qui fait de nous le juste réceptacle. Jigmé Rinpoché compare la bénédiction à une graine. Elle est comme un potentiel, une capacité, une cause. La graine une fois plantée c’est à nous à la cultiver par la pratique, c’est à dire par l’écoute, la réflexion et la méditation. Préservant la présence non contaminée par les jugements, se rappelant de qui est le Karmapa et cultivant l’écoute attentive de ce qu’il transmet, nous devenons cette terre arable où les graines d’éveil peuvent être plantées.

Formuler des souhaits

Les souhaits jalonnent le chemin du bodhisattva, ils sont une pratique à part entière. Ils sont la capacité de l’esprit à générer des causes bénéfiques pour soi et pour les autres. Ils sont simples à mettre en œuvre : il suffit de formuler dans l’esprit ce que nous voulons récolter au bout du compte. Ils ont une telle importance qu’il est nécessaire de les pratiquer avec intensité en rassemblant les conditions qui les renforcent. Une de ces conditions est appelée le support, celui que l’on prend à témoin de nos souhaits. Plus le support est pur (éveillé), plus les souhaits sont puissants. Prendre le Karmapa comme témoin de nos souhaits équivaut à prendre le plein éveil comme témoin (traditionnellement on dit « tous les bouddhas »).
Le temps passé face au Karmapa est une occasion unique de formuler des souhaits. Mais ne soyons pas chiches : formulons des souhaits vastes, à long terme, pour soi et pour les autres. Inspirons-nous des souhaits de Conduite Excellente de Samantabhadra ou des souhaits du Mahamoudra de Rangjoung Dorjé. Qu’ils soient récités ou juste pensés, formulons-les avec détermination et confiance et, tôt ou tard, cultivés par notre pratique, nous en récolterons les fruits.

Rencontrer le Karmapa est une opportunité rare et précieuse. Soyons conscient de nous-mêmes, rappelons-nous de qui il est, formulons des souhaits. Nous pourrons alors rester détendus et recevoir ce que le détenteur de la lignée Kagyu va nous offrir.

Puntso