"La journée a commencé sous les meilleurs auspices avec une pratique clôturant les trois jours de rituels préparatoires du rabné (consécration) de l’Institut et de la grande statue du Bouddha."

Il est là. Trois ans après sa dernière visite à Dhagpo, Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa, est de retour dans son siège européen pour cinq jours d’enseignement, de transmission et de pratique ! Ce lundi matin, plusieurs centaines de personnes sont arrivées pour profiter de la chance exceptionnelle qui leur est offerte.

Très tôt, la journée a commencé sous les meilleurs auspices avec une pratique clôturant les trois jours de rituels préparatoires du rabné (consécration) de l’Institut et de la grande statue du Bouddha. Karmapa a en effet tenu à participer aux toutes dernières accumulations de mantras consacrant les substances et rouleaux qui seront installés à l’intérieur de la statue dans les jours qui viennent. Le rituel n’était accessible qu’aux personnes habilitées à effectuer cette pratique, mais quelques visiteurs impatients de revoir Karmapa ont pu y assister depuis les portes et baies vitrées de l’Institut.

"En fin de matinée, le chapiteau est comble."

En fin de matinée, le chapiteau est comble. Les derniers arrivés ont bien du mal à dénicher une place mais, avec un petit effort et un peu de bonne volonté, on finit par la leur concéder avec un sourire. Les discussions vont bon train lorsque les gyalings retentissent soudainement pour annoncer l’arrivée de Karmapa. En une fraction de seconde, un silence respectueux se fait dans tout le chapiteau. Tout le monde se lève, mains jointes, un sourire impatient accroché aux lèvres. Certains se dressent sur la pointe des pieds pour tenter d’apercevoir celui pour lequel ils ont parfois fait des centaines (voire des milliers !) de kilomètres. Enfin, le voilà. Alors qu’il s’avance dans l’allée centrale, rayonnant comme à son habitude, il adresse des sourires chaleureux aux disciples qui se pressent de part et d’autre de son chemin. Tout le monde goûte à la douceur de sa présence, ravi de le retrouver ou de le découvrir pour la première fois.

"Des offrandes symboliques sont faites à Karmapa : le mandala de l’univers, mais aussi le corps, la parole, l’esprit, les qualités et l’activité éveillés."

Après s’être incliné devant l’autel et avoir allumé l’encens, Karmapa prend place sur le trône, spécialement paré des brocards qui ornaient celui du XVIe Karmapa lors de la cérémonie de la coiffe noire, des dizaines d’années auparavant. La cérémonie traditionnelle d’accueil peut commencer. Chacun peut prendre part aux récitations grâce à un petit livret imprimé spécialement pour l’évènement. Cette cérémonie, que l’on trouve dans toutes les écoles du bouddhisme tibétain, est un moyen de se relier au maître et tout particulièrement aux qualités qu’il a déployées et que l’on aspire à développer à notre tour. C’est aussi l’occasion de signifier le respect que lui et toute son activité nous inspirent ; en tant qu’invité extraordinaire, il est ainsi reçu joyeusement avec tout le faste que l’on peut concevoir en pensée. Au cours de cette récitation, de nombreuses offrandes sont faites aussi bien matériellement que dans l’esprit, où elles sont démultipliées jusqu’à devenir illimitées. Ces offrandes ne sont pas à proprement parler bénéfiques pour le maître mais pour ceux qui les font ; comme toujours, c’est une façon de créer des conditions favorables à notre développement sur le chemin. Cela permet d’accroître les qualités, telle que la générosité, et de faire des souhaits pour le bien des êtres. Ainsi, des offrandes symboliques sont faites à Karmapa : le mandala de l’univers, mais aussi le corps, la parole, l’esprit, les qualités et l’activité éveillés.

Après la cérémonie, Karmapa tient à faire part de sa joie d’être de retour en France et de voir devant lui tant de pratiquants, anciens ou nouveaux venus. Il se réjouit également que le Dharma s’épanouisse en Occident et attire l’attention de chacun sur les conditions karmiques qu’il a fallu réunir pour que cela puisse parvenir à maturité – parmi lesquelles la venue de grands maîtres. Il invite l’auditoire à se souvenir de tout cela, de tout ce qui nous a amenés à rencontrer le Dharma. Puis, il évoque Shamar Rinpoché. Contempler sa vie, son activité, nous aidera à progresser sur la voie. Ce n’est pas pour rien si la pratique du gourou yoga (liée aux maîtres) est essentielle dans la lignée kagyü ; elle permet, entre autres bienfaits, de dépasser la notion d’égo, de développer les mêmes qualités que le maître et de nous ouvrir à tous les êtres. Karmapa souhaite qu’en étudiant, réfléchissant et méditant, nous puissions mieux comprendre ce qu’est le gourou yoga. Et c’est justement cette pratique qui viendra clôturer sa visite vendredi prochain.

"Karmapa souhaite qu’en étudiant, réfléchissant et méditant, nous puissions mieux comprendre ce qu’est le gourou yoga."

Des dizaines de personnes présentes pour l’enseignement aspirant à prendre refuge, à entrer sur le chemin bouddhiste, la session de l’après-midi est dédiée à ce point primordial du Dharma. Avant de procéder à cette cérémonie, Karmapa rappelle l’importance du refuge et du développement de l’esprit d’éveil. Bien qu’il soit difficile de maintenir cette attitude, bien que ce soit un véritable défi à relever, Karmapa le répète : ces pratiques sont à notre portée et il est essentiel de les cultiver au quotidien. Le refuge et l’esprit d’éveil ne demandent que peu d’effort mais génèrent de grands bienfaits. Karmapa met néanmoins en garde l’assemblée captivée par ses mots à propos d’un risque : celui que tout cela ne soit pas véritablement mis en application, que cette pratique soit faite d’une manière mécanique, sans vigilance. En revanche, si on réfléchit vraiment au sens, à la raison d’être du refuge et de l’esprit d’éveil, de solides fondations sont posées. Quelle est l’utilité du refuge ? On prend refuge afin de se libérer de tout ce qui peut faire obstacle à l’expression de notre esprit tel qu’il est réellement, répond Karmapa. Le Bouddha Shakyamouni a donné toutes les instructions, il nous faut maintenant les comprendre pour pouvoir les mettre en application. Avec toutes ces réflexions sur notre condition, celle des autres êtres, et ce qu’il nous faut développer, le refuge peut ainsi devenir aussi naturel que la respiration. Karmapa conclut en demandant à chacun de prendre refuge, certes, mais avec une attitude altruiste.
Y a-t-il une plus belle façon de commencer une semaine avec Karmapa que de se rappeler le sens de notre engagement sur la voie que proposa le Bouddha il y a 2500 ans ?

"Le refuge et l’esprit d’éveil ne demandent que peu d’effort mais génèrent de grands bienfaits."
Article préparé avec la contribution d’Emmanuelle Charenton

Site officiel de Karmapa : karmapa.org